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L'art subtil des défaites de salon par ins7708 le  [Aller à la fin] | Théorie |
Tout le monde connait les nulles de salon, dont sont adeptes avec plus ou moins de régularité tous les grands maîtres, au grand dam de certains organisateurs, corses en particulier. Mais n'est pas Dorfman ni Sharif qui veut et en dessous de ce niveau, un joueur qui voudrait imiter ses idoles se verrait refuser la nulle. Pour nous autres petits joueurs, il est donc crucial de maîtriser l'art subtil des défaites de salon.

Un open de Vandoeuvre, un matin.

Je n'ai qu'un souvenir partiel de ma découverte de la défaite de salon. C'était une ronde du matin de l'open de Vandoeuvre, en 2009 je crois, dans laquelle j'affrontais Gozzoli, le lendemain de mon anniversaire. Au 9ème coup d'une mauvaise Tchigorine - la redondance dénote le caractère poubellesque de la position, un bon +0.6 - alors que Yannick se balladait en arborant une confiance marseillaise justifiée, il vit que je le cherchais du regard, prêt à arrêter la pendule. Il accourut
"Mais j'ai pas proposé nulle hein!
- Je sais bien, j'abandonne.
- Quoi ? Mais j'ai pas envie de gagner comme ça, vas-y joue !
- Non mais faut absolument que je fasse une sieste et j'ai pas le niveau pour faire nulle de salon, du coup défaite de salon c'est pas mal."
L'après-midi, j'ai gagné en 15 coups. Bilan de la journée : 1/2 en 24 coups, l'équivalent de deux nulles de salon.


Festival de rapides, Nancy 2017.

9 rondes à jouer, présence de 5 GM, 5 MI et plusieurs bons 23. Dans ces conditions, je sais que je vais perdre au moins une partie et faire au moins une partie dégueulasse. Il est donc très malin de choisir une perte de salon au moment ad hoc.
Après avoir fait 4/4 contre des joueurs moins bien classés tombe enfin l’appariement de rêve : Laurent Fressinet. J’avais déjà affronté Laurent en rapide. Au terme d’une partie où j’avais joué au mieux de ma forme, je m’étais fait tactifier dans une finale complexe perdant en quelque 60 coups épuisants. Heureusement, j’apprends de mes erreurs.

Petiteglise - Fressinet

1. d4 Nf6 2. Nf3 d5 3. e3 Bf5 4. c4 c6 5. cxd5 cxd5 6. Qb3 Qc7
7. Nc3 ?
joué a tempo, juste après quoi je me rappelle que la seule idée dans cette variante est de jouer Fd2-Fb4. Les noirs sont déjà un peu mieux.
6...e6 8. Bd2 Nc6 9. Rc1 a6 10. Be2 Bd6 11. O-O O-O 12. h3 h6
Ces coups de développement ont été blitzés par les deux joueurs, j’en joue encore un sans réfléchir :
13. Rfd1 ??

Avec l’idée Tac8 Ca4 Ce4 Fe1 et ça va à peu près. Là, Fress me surprend à réfléchir pendant trois ou quatre minutes. Durant sa réflexion, la mienne se limite à “je comprends pas pourquoi il ne joue pas Tac8 a tempo, s’il voulait s’envoyer en l’air avec g5? il l’aurait fait avant de roquer…”
13...Na5!
C’est fini.
14. Qa4
Si 14.Cxd5 Dxc1 15.Cxf6 gxf6 16.Dxa5 Dxb2 -+
14...b5 15. Bxb5 axb5 16. Nxb5 Qd7 17. Bxa5
Rfb8 18. Ne5 Bxe5 19. dxe5 Rxb5 20. b4 Rbxa5 21. Qxd7 Nxd7
22. bxa5 Rxa5 0-1

Ouf ! Je n’ai pas répété l’idiote erreur de bien jouer contre Fress, évitant ainsi de m’épuiser pour perdre. A la place, on a bien rigolé de ma nullité en savourant un café clope au soleil. Mieux encore, ayant fait mon inévitable partie dégueulasse du tournoi, j’avais gagné le droit de bien jouer les rondes restantes. En scorant deux victoires et deux nulles contre plus forts dans les quatre dernières rondes, je me suis adjugé une belle - et chanceuse - 4ème place, qui aurait été inaccessible sans cette heureuse défaite de salon.

Top 12 2017, Chartres.

J’ai l’honneur de porter le maillot vandopérien pour les 7 dernières rondes. En jouant au 6ème ou 7ème échiquier, je sais à l’avance que ça va être très difficile. Une défaite de salon au milieu de la semaine paraît opportune, mais par équipe il faut choisir le timing avec grand soin. Après deux bonnes nulles contre Leroux et le très solide Heinz, je perds logiquement contre le champion de France en ayant joué à mon niveau… et lui au sien. Arrive enfin le moment tant attendu, le match contre Clichy et un superbe appariement pour moi : Axel Delorme, à qui je souhaite de perdre au plus vite son titre officieux de plus fort MI français. L’an dernier il m’avait battu en 80 coups dans une partie où je n’avais jamais menacé d’envisager espérer égaliser. Mais vous savez maintenant que je ne répète pas deux fois la même erreur.

Petiteglise Delorme

1. d4 d5 2. Nf3 Nf6 3. e3 g6 4. c4 ?!
Je joue d’habitude avec b4, j’ai voulu changer sans rien connaître.
4… Bg7 5. cxd5 Nxd5 6. e4 Nb6 7. Bb5+ ?
7.h3 était nécessaire
7... Bd7 8. Be2 Bg4 9. Be3 c5 10. e5 ?
Je n’avais même pas imaginé la meilleure suite, pourtant thématique 10. d5! Fxb2 11.Cd2!
10… cxd4 11. Nxd4 Bxe2 12. Qxe2 Bxe5

En jouant e5 j’avais rejeté 13.Cc3 et prévu 13.Ca3 Fxd4 14.Td1 Cc6 15.Cb5 regagnant le fou de cases noires avec quelques compensations. Puis je me suis dit que sur Ca3, les noirs peuvent juste roquer et mon cavalier est idiot. Je me suis alors demandé pourquoi je pensais à 13.Ca3 alors que Cc3 Fxd4 Td1 Cc6 Cb5 transpose…
13. Nc3?? Bxd4
0-1

Une excellente défaite de salon, pour moult raisons :

Contre Clichy, plusieurs clubs font des nulles rapides avec les blancs, stratégie égoïste et malsaine. Cela met la pression sur les joueurs restant avec les pièces noires, au moins l’un d’entre eux finit par perdre. Ceux qui ont fait nulle en veulent à ceux qui ont perdu, ceux qui ont perdu en veulent à ceux qui ont fait nulle sans jouer avec les blancs.
Pas de ça à Vandoeuvre, quand j’ai abandonné un de mes coéquipiers, qui lui aussi avait les blancs avait déjà perdu ! Ainsi il nous reste une majorité de noirs, mais le match étant plié, ils n’ont aucune pression et personne n’en veut à personne. Il s'agit donc d'un sacrifice altruiste.
En outre, ça console le coéquipier “t’as perdu avant moi, mais t’as quand même résisté plus de coups”.
Enfin à titre personnel, je me suis reposé et j’ai passé une excellente aprem avec Jobava à lui montrer de mes études. Même si j’apprécie la compagnie d’Axel, c’était bien plus agréable que de se faire torturer pour perdre inévitablement.

Après cette défaite de salon bienvenue, j’ai raté une nulle évidente en gaffant deux fois dans une finale de tour contre JN Riff, ce qui m’a rappelé qu’une défaite en 70 coups est plus frustrante qu’une défaite de salon, avant de faire une nulle sympa contre Marcelin et une dernière “stratégique” contre Caron.

J’espère vous avoir convaincu de l’utilité de maîtriser l’art subtil des défaites de salon. Et si vous vous demandez quel moment est le plus propice, voici la réponse : contre moi.



Reyes, le
Sans aucun doute le meilleur article de « ChessBah » ! :)


ins7708, le
Il ne paraîtra pas sur Chessbah, vu que c'est N.N. et non pas moi l'auteur des articles ;)


ins7708, le
Erratum : Si 15.Cxd5 Dxc1 16.Cxf6 gxf6 17.Dxa5 Dxb2 -+


Renan, le
Hummm...ça fait beaucoup de défaites ça non?


Une perle!! Petiteglise, merci


kieran, le
Sympa cet article, j'ai pas tout compris mais le timing a l'air très important.


Renan, le
Oui excellent article cela va sans dire bien sûr!!
A un certain niveau il n'y a pas de défaites de salon...cela n'existe pas... c'est une défaite point.


Excellent. Ça donne envie de compléter...

Corse, Juillet 2017, les nulles sont interdites et le fort joueur français P (*)est apparié avec le sympathique GMI d'origine Yougoslave NN. Les deux adversaires se connaissent et s'apprécient, et depuis que NN ne complète plus ses revenus avec la vente de livres et de babioles de tournoi en tournoi, les fins de mois sont difficiles.

Avant la ronde la discussion porte tout naturellement sur l'art médiéval gothique.
P montre quelques belles images de fenêtres d'église et de ponts de l'époque. NN lui répond qu'il n'aime pas trop la couleur bleue, et vante les mérites de l'architecture renaissance, plus carrée, plus rationnelle. Quelques illustrations changent de mains. On se promet aussi de se retrouver après la partie, qui ne sera guère longue, autour de savoureuses charcuteries corses. C'est ainsi que P vient de compléter son arsenal théorique. Après les nulles de salon, puis les défaites de salon, il vient de découvrir les charmes des victoires de salon, tout en mâchant son saucisson d’âne accompagné de confiture de figues.

(*) Toute ressemblance avec l'auteur de ce post, ainsi qu'avec les joueurs dont le nom commence par P est vigoureusement démentie. Cet article n'est que de la science fiction.


Excellent :)


Renan, le
Il n'y a pas de saucisson d'âne en Corse...


ins7708, le
Deuxième correction : la variante envisagée contre Fress était Tfc8 Ca4 b5 Cc5 Ce4 Fe1.


Zorglub, le
Il y a du saucisson d'âne en corse... à vendre aux touristes mais il n'est pas fabriqué en corse !



Merveilleux article. Enfin une référence sûre pour justifier ses défaites auprès des curieux.


exact, le saucisson d'âne est une escroquerie comme d'autres charcuteries pour touristes alors qu'il existe en Corse des produits merveilleux, notamment des charcuteries


Renan, le
oui picard il y a plein d'autres sortes de charcuteries et de fromages...il y en a meme qui marchent seul..il y a du bon vin également...
quand tu es 1500 comment justifier aupres d'un de tes collègue de club que tu as perdu contre un 1400 (ou meme moins)?


Julo62, le
Parce qu'il a mieux joué ou toi moins bien...


Meteore, le
Pas facile d accepter la perte d une partie plus rapidement pour mieux repartir ensuite ...cela nécessite un certain détachement. Personnellement j ai tendance à lutter jusqu'au 94eme coups même s il n y a (presque ) aucun espoir depuis le 39eme!


@Meteore :

Par contre au delà du côté humoristique de cet article, parfois notamment lors de longs opens sur 5 jours ou plus, il peut vraiment être utile de s'économiser, ne pas trop forcer sur une partie notamment contre beaucoup plus fort. La condition physique varie tellement d'un individu à un autre. Savoir s'économiser sur une partie non pas en jouant n'importe comment mais en ne cherchant pas trop complexe peut être utile pour en garder sous le pied lors des dernières rondes où pas mal de joueurs sont cuits.


Orouet, le
J'imagine bien le commandant de bord du sous-marin s'octroyant une journée de repos supplémentaire (histoire de vérifier l'état de ses torpilles ...).


Julo62, le
D'un autre côté, pour les amateurs qui ne visent rien dans un open, mis à part d'avoir l'occasion de jouer un titré qu'ils n'affronteront pas dans leurs inter-clubs, c'est peut-être pas le meilleur moment pour s'economiser.
En plus, je crois que tous les opens voient leur lot de "perfs" où un titré se fait taper par un petit joueur, ceux qui réussissent ces explois sont toujours des joueurs qui ne "respectent" pas trop leur adversaire et jouent leurs chances à fond...

Bref, joli article qu'aurait pu signer N.N




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